Rafa a gagné pour la dixième fois ce dimanche 11 juin 2017, un jour historique

Je ne suis pas un grand joueur de tennis ; parfois je parviens tout juste à battre mon fils aîné. C’est pour cela, que dans ce post, vous ne découvrirez pas d’analyses techniques et tactiques du jeu de Rafa Nadal, mais plutôt les impressions et enseignements d’un entrepreneur et d’un coach professionnel sur son idole. Je n’ai pas l’habitude de le faire, mais il est possible que je sorte du cadre stricte de mes thèmes de prédilection:

  1. Rafa est un travailleur Particulièrement durant les entraînements.
  • Pourquoi un directeur, ou entrepreneur se donnerait-il le luxe de ne pas faire de même avec ses équipes et avec lui-même ? Répéter ses négociations face à un miroir comme Rafa avec ses services. Faire des jeux de rôles de closing de ventes, au détail près. Même si ça ne sonne pas très “in”, après 8 ans de pratique quotidienne du coaching dans le retail en environnement international, je n’ai jamais vu de succès sans entraînement. Travail, travail, travail.
  1. Rafa a un jeu intérieur puissant ( “inner game” en anglais d’après Tim Gallwey): en tie break ses statistiques sont dévastatrices. Comme pour son équipe de football préférée, le Real Madrid, il s’est fait la réputation de ce que jusqu’à la dernière seconde, il peut renverser la vapeur. Sa force mentale est un facteur clé de succès.
  • En entreprise, je constate parfois des équipes accommodées. “ Nous avons presque atteint l’objectif ce mois-ci. Nous avons réalisé 98%…”. Je leur demande “ A 98º l’eau bout-elle ?” Non. “ Et à 100º ? “ Oui. Ce n’est pas pareil. Avec 100º des machines immenses bougent; avec 98º, rien ne bouge.
  1. Rafa est poli : ceci peut paraître un détail mais Rafa est bien élevé, ce qui lui permet d’évoluer dans un environnement international parfois adverse ( comme les années 2009/2014 à Roland Garros).
  • Pendant que je regardais la finale à la TV chez moi, le téléphone a sonné. Sans préambule, j’ai entendu une voix me dire :
    • “ Adrien ne rentrera pas avant minuit” J’étais perplexe.
    • “ Qui êtes-vous? “
    • “ Je suis un ami scout et nous sommes partis tard des Pyrénées”
    • Pas de bonjour, pas de présentation, ni d’au revoir. Combien de personnes nous pouvons croiser qui ne maitrisent pas les fondamentaux pour construire des relations, surtout lorsqu’ils sortent de leur ville ou leur pays. Particulièrement les “ nouvelles générations », et en commençant par les basiques : “ Bonjour”, “ S’il vous plaît” et “ Merci”. Je l’observe tous les jours, notamment dans le monde du commerce en magasins ; j’aimerais être en train d’exagérer.
  1. Rafa assume son identité: Dans un pays divisé même concernant son identité, Rafa ne remet pas en causes les symboles de son pays ( Drapeau, hymne, jeux olympiques en dépit de ses limitations physiques…), mais il contribue à la grandeur de ce dernier. Il n’est pas complexé. Il rugit.
  • Quel manque de leadership dans beaucoup de milieux politiques, sociaux, universitaires. Par exemple en Espagne. Trump a annoncé que les Etats Unis sortaient des accords de Paris; le soir-même, Macron rendait une réaction publique. Où était l’Espagne ? Un leader a-t-il ouvert la bouche ? L’Espagne a-t-elle la même soif de victoire que Rafa ?
  1. Rafa a un profond respect pour l’histoire de son sport: Il connaît par exemple personnellement Rod Laver et même d’autres joueurs de classement moyen des années 60.
  • Beaucoup d’entrepreneurs ont voulu faire table rase du passé, particulièrement en dotcom. Il est vrai qu’un entrepreneur doit rompre les schémas et réinventer les règles. Il doit aussi connaître l’histoire de sa discipline et bien-sûr respecter tous ceux qui l’ont précédé. C’est la meilleure façon de s’affirmer comme leur successeur.
  1. Rafa sait durer : Rafa a un physique exigent : Il se confronte à des hordes de jeunes talentueux qui rêvent de lui ravir sa place (Thiem, Zverev…) et d’autres confirmés. Rafa perdure en dépit de tout. Nous avons vu beaucoup d’étoiles filantes à Roland Garros ( Kuerten, Jim Courier.. j’aimais les voir jouer mais ils ont joué à un haut niveau seulement 3 ou 4 années… Kuerten à cause de sa hanche et Courier à cause de l’arrivée de Pete Sampras et André Agassi). Rafa sait durer. Il est certain qu’entre parenthèses ( nous reviendrons là-dessus), gagner 10 participations sur 13 à Roland Garros; c’est stratosphérique.
  • Votre entreprise sait-elle rester à un haut niveau si vous l’avez déjà atteint ? Le temps remet chaque personne et chaque entreprise à sa place. 50% des créations d’entreprises françaises ou espagnoles ne dépassent pas la première année d’existence. Se pérenniser dans un environnement changeant est un des défis actuels.
  1. Rafa sait perdre: Il n’aime pas ça, mais il sait perdre. Dans une volonté d’amélioration continue, il sait rapidement apprendre de ses échecs, en tirer des axes d’amélioration, même parfois dès la conférence de presse.
  • Je ne connais aucune personne de succès qui n’ait jamais perdu. Comment savoir perdre avec classe, et surtout, gagner la fois d’après ?
  1. Rafa délivre un non-verbal cohérent et sans équivoque. Allez, disons-le : il intimide. Quand en début de match il court comme un jaguar vers la ligne de fond du terrain et à chaque changement, ou quand il lance son regard noir à son adversaire après un point, Rafa cultive sa légende. Il est là ; présent. Stan Wawrinka a volontiers reconnu que cela a joué.
  • Durant les sessions de coaching, je vois des directeurs qui disent vouloir triompher, mais dont le non-verbal montre parfois le contraire: voix éteinte, bras croisés, regard fuyant l’interlocuteur… C’est à cela aussi que sert le coaching, et certainement que Rafa a eu un (des) très bon(s) coach(es).
  1. Rafa connait son corps : Avant sa 1ère et sa 10ème victoire à Roland Garros, Rafa a souffert de sévères problèmes physiques ( genoux, poignet , etc..). Il sait écouter son corps et rectifier. Il fait attention à son hygiène.
  • Dans la recherche de performance, en dépit de l’intensité et du stress quotidien de beaucoup de mes lecteurs dans l’environnement entrepreneurial, le corps n’est pas toujours considéré à sa juste valeur ; cette négligence se traduit par surpoids, un manque de tonicité, de la fatigue, la consommation de cigarettes intensive… Corps, langage et émotion sont les 3 clés du changement pour un coach.
  1. Rafa est authentique : Il est vrai que ses tics et ses manies peuvent prêter à moqueries; quand il se prépare à servir (il se tire le caleçon, il mets ses cheveux derrière les oreilles), quand il s’assoit sur sa chaise (il plie ses 2 serviettes, il place ses 2 bouteilles, …). Mais lui, il en fait abstraction, car pour lui ce ne sont pas des tics mais des rituels. Des RITUELS qui le centrent et le concentrent, le tranquilisent.
  • Beaucoup de personnes et d’entreprises vivent sans rituels qui les aideraient à se centrer; ils ne donnent pas de rythme aux opérations. Les rituels tant individuels comme collectifs sont des activités que nous réalisons toujours au même moment et de la même façon ( réunions, briefings …). Ils peuvent être des ancrages émotionnels.
  1. Rafa est fidèle : La même petite amie, le même entraîneur depuis le début ( même si Tony a annoncé prendre un peu de distance, il reste dans l’équipe).
  • Je vois des organisations qui dédient beaucoup de temps à renouveler les effectifs. Elles vouent leur énergie à recruter plutôt qu’à développer. La fidélité dans les relations, les entreprises…. paraît passée de mode. Rafa nous prouve que cela peut être une valeur très actuelle.
  1. Rafa a un clan : Tous de Mallorque !
  • Et vous, avez-vous un clan ? Que vous soyez entrepreneur, directeur, professeur… faites-vous partie d’un groupe qui vous soutient inconditionnellement dans les bons et les mauvais moments ?
  1. Rafa sait mordre  : quand une ex ministre française, Roselyne Bachelot, avec une déconcertante légèreté fait allusion à son dopage à la radio (car soit elle a des preuves et les montre ; soit elle n’en n’a pas et doit se taire), il annonce immédiatement des poursuites en justice. Verdict le 7 juillet 2017 au Tribunal de Paris ! (avec en cas de victoire un don pour les Resto du cœur !)”
  • Le tigre ne prévient pas, il saute. J’ai connu beaucoup de dirigeants très bons pour analyser et très lents pour décider… et « mordre ». Se faire respecter implique de savoir mordre quand il le faut.
  1. Rafa a su se remettre en question : Quand les résultats l’ont abandonné en 2015, il a reconsidéré sa technique, particulièrement son coup droit ( en plus de prendre soin de son poignet). Il s’est isolé 6 mois avec son clan, tombant à la 9ème place au classement ATP.
  • Un grand gagnant peut avoir besoin d’ajustements grands ou petits. Une entreprise, un couple.. Comment se remettre en question pour rester triomphant ?
  1. Rafa a un projet : il pense au futur. Sa “Rafa Nadal Academy” compte beaucoup pour lui. Un jour Rafa devra arrêter la compétition. Il n’attend pas la fin de sa carrière pour penser au futur (et investir son argent sur des projets structurants).
  • J’ai travaillé dans des entreprises sans projets, qui ont attendu la fin pour réagir (Kodak). Quel manque de vision ! J’ai connu des fondateurs de grandes entreprises incapables d’anticiper la relève générationnelle. Mes 2 pays la France et l’Espagne ont célébré des élections dernièrement. Je ne me rappelle pas avoir entendu parler de « projet pour 2025 » ou de « vision 2030 ». ( même si Macron commence à me surprendre). Avez-vous un projet pour d’avenir pour vous et vos équipes ?
  1. Rafa est un bon citoyen ( du moins c’est l’impression qu’il me donne). Sa résidence fiscale est l’Union Européenne, l’Espagne, et non pas la Suisse (comme par exemple les 5 meilleurs joueurs français Tsonga, Monfils, Gasquet, Gilles Simon, Benetteau), Monaco ou Doha comme beaucoup d’autres joueurs. Jusqu’à ce qu’il me montre le contraire, Rafa est cohérent.
  • Il est intéressant de voir que dans une culture de la facilité (et parfois de la corruption), une personne triomphe en respectant les règles; toutes les règles.
  1. Rafa respecte l’adversaire. Ceci ne se voit pas forcément dans les autres sports (football,…). Si les années 2000-2020 resteront sûrement parmi les meilleures de l’histoire du tennis, c’est parce que de grands compétiteurs Federer, Djokovic, Murray… se sont respectés et ont ainsi, dans l’adversité, élevé ce sport à une nouvelle dimension, une autre galaxie. Ensemble.
  • Le cerf-volant a besoin de vent de face pour voler. Les compétiteurs apportent, aident et contribuent au secteur. Je vois chaque fois plus d’initiatives collaboratives et associatives allant dans ce sens. Cela semble être un mouvement de fond dans l’entreprise et la société.

Voici donc 17 enseignements que j’ai voulu partager avec vous à chaud dans l’enthousiasme de la victoire. Et quand j’observe la seconde jeunesse de Roger Federer et Rafa avec ses 31 ans, quelque chose me dit qu’il nous reste encore de belles finales du dimanche à déguster.

Benoit Mahé
Fondateur CapKelenn

Comentarios

Deja un comentario